Cent cinquante ans après, Darwin perturbe encore les écoles américaines Il y a cent cinquante ans, Charles Darwin découvrait la théorie de l’évolution. Mais de l’autre côté de l’Atlantique, celle-ci a toujours du mal à rentrer dans les écoles américaines.
Dans un système fédéral où chaque Etat détermine les grandes lignes des programmes scolaires, tandis que des commissions élues au niveau local en fixent les détails, l’enseignement de la théorie de Darwin fait toujours polémique. Dernier rebondissment en date: la signature en Louisiane par Bobby Jindal, le gouverneur de l’Etat (et cité comme un candidat possible à la vice-présidence pour John McCain), d’une loi autorisant les commissions locales d’éducation à recourir à des manuels discutant les thèses de Darwin et prônant l’origine divine de la vie sur terre.
Les controverses rejaillissent
La controverse entre évolutionnistes et créationnistes –qui nient la théorie de l’évolution en lui opposant les écrits bibliques et la création de la terre par Dieu– ne date pas d’hier. En 1925 déjà, le Tennessee poursuivait –sans succès– John Scopes , un professeur ayant passé outre l’interdiction de l’Etat d’enseigner «toute théorie niant l’histoire de la création Divine de l’homme telle qu’elle est enseignée dans la Bible.»
Depuis, les controverses rejaillissent, notamment dans les Etats où les chrétiens évangéliques, ses plus farouches supporters, sont bien implantés: Louisiane, Kansas, Texas, Alabama, Floride… «Nombre d’Américains ont en fait un point de vue créationniste sur l’origine de la terre, souligne David Masci, chercheur émérite au Pew Forum on religion on public life, qui étudie les attitudes de l’opinion à l’égard de la place de la religion dans la vie publique. 42% pensent que les êtres humains ont toujours existé sur terre sous leur forme présente, tandis que 5% pensent que l’être humain a évolué au fil du temps. Mais parmi eux, 21% estiment que cette évolution a été guidée par Dieu. Au final, seul 26% de la population américaine pense que l’évolution de l’homme est un phénomène naturel.»
Anticonstitutionnelle
Mais depuis 1987, lorsque la Cour suprême a jugé inconstitutionnelle une loi de Louisiane requérant un temps égal pour l’enseignement de la théorie de l’évolution et celui des thèses créationnistes, le mouvement a été supplanté par les défenseurs de l’intelligent design («dessein intelligent»). Sans références directes aux écrits bibliques, cette théorie affirme que la terre et le corps humain sont des entités trop complexes pour avoir été créées sans une influence divine.
Représenté par le puissant lobby du Discovery institute, le mouvement fait depuis pression sur les commissions éducatives locales pour que cette thèse soit discutée en classe à rang égal avec la théorie de l’évolution, en invoquant la liberté académique. «Ils ne disent pas qu’il faut nier l’évolution, mais que la controverse autour de celle-ci doit être discutée», précise David Masci, du Pew Forum. Pour Jack Krebs, membre de l’association Kansas citizens for science qui s’est opposé en 2005 à une initiative locale des tenants de «l’intelligent design», «le mouvement anti-évolution s’est tourné vers l’idée d’"intelligent design" pour avoir l’air moins religieux. Il s’agit des mêmes arguments infondés que l’évolution est mauvaise, mais déguisés sous une autre forme.»
Suffisamment pour relancer le débat au moment des élections présidentielles «Etant donné l’état de l’économie et l’Irak, ajoute Phil Baringer, professeur de physique et membre de l’association, je ne pense pas vraiment que la question sera beaucoup discutée par les candidats.»
Gilles Bouvaist, à New York
20Minutes.fr, éditions du 02/07/2008 - 13h00