je V faire ma chiante... un truc de + de 10 lignes à lire ....
1. Encore un autre qui a mal viré !
jeudi 1er septembre 2005
On savait abondamment que de nombreux anciens militants d’extrême gauche actifs durant les années ’70 s’étaient recyclés dans la politique bourgeoise au tournant des années ’80. Mais on n’avait jamais entendu parler jusqu’alors que d’anciens punks avaient eux aussi trahis leurs idéaux de jeunesse de façon aussi crapuleuse.
Même s’il continue, encore aujourd’hui, à défendre sur toutes les tribunes, avec becs et ongles, son ancien boss, l’ex-premier ministre Jean Chrétien, un peu comme l’adepte d’une secte aveuglé par l’aura de son gourou illuminé, il n’en reste pas moins que M. Kinsella est sans doute le dernier à ne pas se percevoir comme un vendu.
Ainsi, durant la soirée du 20 septembre dernier, M. Kinsella procédait au lancement de son nouveau livre : « Fury’s Hour : A (sort-of) Punk Manifesto » (2005, Random House). Oui, vous avez bien lu, il s’agit d’un bouquin qui se veut un « genre de » manifeste de la contre-culture punk écrit par un vétéran stratège libéral. Mais ce n’est pas tout. Lors de la même soirée, Warren Kinsella offrait une performance avec son nouveau groupe punk, Shit From Hell ( !), dans lequel il est bassiste.
Et si ce n’était pas assez insolite à votre goût, la station de radio CFJO révélait récemment que deux autres membres de ce quatuor ont eux aussi un passé libéral : le chanteur, M. Kiriakos Angelakos, est un ancien employé de Jean Chrétien, et le guitariste, M. Derek Raymaker, a aussi travaillé pour les libéraux fédéraux. [1]
Les gens raisonnables s’entendront pour dire que si M. Kinsella est un punk, alors le pape Benoît XVI est un transsexuel toxicomane séropositif. Pourtant, Warren Kinsella semble refuser obstinément de se rendre à l’évidence. Plus que jamais, il insiste pour être perçu comme un authentique punk rocker.
D’ailleurs, il n’y a pas que M. Kinsella qui se la joue punk dernièrement. Tony Blair, premier ministre de Grande-Bretagne depuis 1997, s’est permis lui aussi de piger dans le même registre contre-culturel à l’occasion de la plus récente édition de la conférence du Parti travailliste britannique, à Brighton. La tradition reliée à cet événement annuel veut que l’entrée du leader travailliste sur la scène soit accompagnée d’une chanson populaire de son choix.
Ainsi, le 27 septembre dernier, M. Blair fit son entrée alors que les haut-parleurs crachaient « If the Kids are United », un classique punk de la légendaire formation Sham 69 ! Ce choix musical ne passa pas inaperçu de l’autre côté de l’Atlantique. Plusieurs s’interrogèrent sur le fait d’avoir choisi une pièce célébrant l’unité des forces vives de la jeunesse rebelle alors que le Parti travailliste est en proie à des dissensions internes et que le leadership même de M. Blair fait de moins en moins l’unanimité. [2]
À l’instar de Kinsella, M. Blair a aussi un passé rock’n’roll. Il y a trois ans, la presse britannique révélait qu’il avait chanté dans un groupe rock appelé « Ugly Rumors » sous le pseudonyme de « Tony Yeah » durant les années ’70. (Tony Blair chantant des « rumeurs hideuses » ? ? ? Et pourquoi pas ? Après tout, M. Blair ne fut-il pas l’un des principaux leaders politiques européens à soutenir inconditionnellement le président Bush Jr. dans sa quête-bidon d’armes de destruction massive irakiennes introuvables ! ) [3]
« Punk is dead ». C’est ce chantait déjà l’incontournable groupe Crass, en 1979. Plus de vingt-cinq ans plus tard, dire que le punk est mort, ça serait bien peu dire. Non seulement l’esprit original de la contre-culture punk semble-t-il bel et bien cliniquement mort, mais en plus, les opportunistes de tout acabit font la file pour violer son cadavre !
Il est vrai qu’à une époque où une ancienne animatrice de télévision nie ses sympathies souverainistes passées après être devenue gouverneure générale du Canada, où un ancien profiteur qui s’est enrichi avec le programme des commandites est « condamné » par la justice à livrer des conférences sur le sens l’éthique dans des universités, et où un ancien ministre péquiste grimpe en popularité dans les sondages après avoir admis avoir consommé de la coke, peut-être qu’on a plus à s’étonner de rien. Toutefois, à défaut de s’étonner, il ne faut jamais cesser de critiquer ceux qui essaient de se prendre pour d’autres.
Qui est donc ce Warren Kinsella ? Se prend-il vraiment au sérieux, ou est-t-il atteint de profonds troubles de personnalité ?
Une simple recherche sur Google nous permettra d’obtenir plus de 180 000 résultats. Et ça augmente un petit peu plus à chaque jour. Voilà, n’est-ce pas, un monsieur qui a le tour de faire parler de lui.
On dit de lui qu’il est un des commentateurs de l’actualité politique les plus controversés au Canada. (Et ça, c’est quand il ne fait pas lui-même l’actualité.) Ses adeptes—car ils existent—peuvent lire ses commentaires qu’il publie sur une base quasi-quotidienne sur son blog (www.warrenkinsella.com/musings.htm).
Certains disent de lui qu’il est le « Karl Rove de la politique canadienne », en référence au fameux stratège politique américain aujourd’hui chef de personnel à la Maison Blanche. Plusieurs le surnomment même le « Prince des ténèbres » depuis qu’il a publié son livre, “Kicking Ass in Canadian Politics”, (Random House, 2001), portant sur les campagnes électorales au Canada.
Dans un texte commentant cet ouvrage, Marc Nadeau, qui a été l’assistant de M. Kinsella lors de la campagne des libéraux fédéraux de novembre 2000, explique ce qu’il en est. « Dans le milieu politique, Warren Kinsella est ce que l’on pourrait désigner un spin doctor », raconte-t-il. « Avec brio, il sait comment attirer l’attention des journalistes et du public sur certains aspects qui sont dictés par la stratégie. » [4]
« Il n’y a rien de plus embêtant que de se faire remettre sous le nez par un adversaire une vieille citation oubliée... », continue M. Nadeau. « Parfois, les déclarations passées d’un candidat ou d’une candidate constituent de véritables trésors. Vous voulez un exemple ? Stockwell Day. Dès son élection comme chef de l’Alliance canadienne, les libéraux ont relevé ses déclarations et commentaires passés. Il y avait là beaucoup de matière à faire couler de l’encre. Personne ne sera étonné d’apprendre que c’est Warren Kinsella qui a fait la compilation de toutes ces intéressantes citations. »
Enfin, M. Nadeau revient aussi sur un des coups les plus célèbres de Warren Kinsella : « Lorsque Stockwell Day a affirmé croire que les hommes avaient cohabités avec les dinosaures il y a de cela des milliers d’années, c’est Warren Kinsella qui, un dinosaure en peluche à la main (un Barney, pour ceux que ça intéresse), est apparu sur les ondes d’une chaîne de télévision nationale, tôt le lendemain matin. Ne dit-on pas qu’une image vaut mille mots ? Warren Kinsella l’a très bien compris. »
En politique, il y a les « faiseurs d’image ». Puis, il y a les « démolisseurs d’image ». M. Kinsella—on l’aura deviné—appartient définitivement à cette dernière catégorie. L’art de la guerre électorale, selon Warren Kinsella, c’est l’art de faire passer son adversaire pour un crétin, ou pour un type qui n’est pas digne de confiance. Il s’agit de gagner des élections, non pas en essayant de vendre une platte-forme électorale, mais bien plutôt en attaquant et en détruisant la crédibilité et la réputation de son plus proche concurrent.
En plus de « Kicking Ass » et de « Fury’s Hour », M. Kinsella compte aussi trois autres livres à son actif, soit « Unholy Alliances » (1992, Lester), qui traite du terrorisme international, « Web of Hate : Inside Canada’s Far Right Network » (1994, HarperCollins), qui porte sur les ramifications de l’extrême droite néo-nazie, et enfin un autre ouvrage politique, « Party Favours » (1997, HarperCollins).
Parce qu’il faut vraiment bien connaître les activités passées et mêmes récentes de Warren Kinsella pour bien comprendre dans quelle mesure son soi-disant « manifeste » pour la contre-culture punk constitue une aberration d’une rare absurdité, le BUREAU DES AFFAIRES LOUCHES vous brosse un portrait de ce stratège libéral hors du commun.